Les leaders de l'opposition Congolaise en reunion à Bruxelles |
Kibongai est un terme Kinois, un argot inventé,
comme beaucoup, par le milieu populaire de la ville de Kinshasa, capitale de la
RDC.
Ce mot est une autre création de l’imagination débordante et du sens de l’humour légendaire des jeunes citadins congolais. Le mot se prononce Ki-bo-ngaï.
Ce mot est une autre création de l’imagination débordante et du sens de l’humour légendaire des jeunes citadins congolais. Le mot se prononce Ki-bo-ngaï.
En
lingala, langue vernaculaire en RD Congo, Ki est un préfixe, ainsi,
précédant un mot, il vient en formuler un autre qui à son tour devient un
dérivé du radical. Ce second mot débutant par ki indique la «
personnalité » du premier. Exemple, « Mwasi » signifie femme, kimwasi
désigne donc la féminité. « Mobali » se traduit homme, kimobali veut
alors dire masculinité, et ainsi de suite.
Bo, est un autre préfixe. Il désigne lui aussi le
caractère du mot qu’il précède, exemple, solo signifie « vrai », bosolo
veut dire « ce qui est vrai », la « vérité ».
Ngai signifie, moi.
L’expression
kibongai compte donc un double préfixe. On peut interpréter Bongai
par « ce qui est moi », et ensuite, kibongai, par le « caractère de ce
qui est moi ».
Traduire,
c’est trahir dit-on, cette interprétation de kibongai est le
rapprochement le plus près que l'on peut concevoir dans la langue de Molière.
Toutefois,
ce que kibongai veut véritablement dire dans l’esprit Kinois
c’est : rien que moi. Le kibongai est à mi-chemin entre un fort
besoin de reconnaissance et le ressentiment d’une jalousie. Ce n’est pas
seulement le besoin d’être au-devant de la scène, c’est vouloir être seul sur
scène, carrément être le spectacle. C’est une mentalité de compétition malsaine
et destructrice. Elle est sournoise puisque omniprésente dans les communautés
congolaises.
Des
musiciens aux politiciens, en passant par les pasteurs, le kibongai n’exclut
aucun groupe, il ne discrimine aucune classe sociale.
Le
kibongai est un long héritage de la vieille stratégie coloniale de diviser
pour mieux régner et de la culture de l’homme fort qui prévaut en Afrique. Dans
cette tradition, il n’y a de place que pour les premiers, les autres étant
souvent effacés de la mémoire collective. Qui se rappelle encore de Mpolo et
Okito ? Eux qui ont pourtant subi le même sort atroce que Lumumba. Qui peut
nommer, sans googler, le numéro 2 des grands partis politiques en RDC ?
Ennemi
redoutable, souvent négligé, le kibongai est la bête noire de la classe
politique congolaise. C’est d’abord lui, bien avant les facteurs externes, qui
bloque la gâchette de l’Afrique si chère à Frantz Fanon.
Les
concepteurs de ce jargon ne sont donc pas allés chercher bien loin pour en
trouver l’inspiration. Le premier citoyen du pays pendant 32 ans en était un
parfait exemple, « après moi, le déluge », scandait le président Mobutu, qui ne
croyait pas si bien dire. Mais, le Maréchal n’est pas le père de cette pensée.
Bien avant lui, le M.N.C, premier parti politique national du Congo, espoir de
tout un peuple, se disloquait peu de temps après sa conception, victime d’une
guéguerre de leadership. Là encore, le kibongai avait frappé.
Tous
les membres étaient pourtant convaincus de la nécessité de sortir de la
colonisation, tous, ou presque, aimaient le Congo profondément, mais les choses
se compliquèrent lorsqu’il fallut s’entendre sur la direction de l’organe. Il
s’agissait de la première fois, et non la dernière, que le patriotisme
congolais perdait sa bataille contre l’égoïsme traditionnel.
Encore
aujourd'hui, s’il y a près de 700 partis politiques au Congo, ce n’est vraiment
pas parce qu’il y a 700 idéologies distinctes. La vérité, c’est qu’il y a 700
égos à nourrir.
La
nouvelle classe de dirigeants se retrouve devant un défi majeur, qui a eu gain
de cause sur leurs aînés.
«
Le Congo est grand, il demande de nous de la grandeur », dixit Patrice Lumumba.
Mayamba Luboya
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