jeudi 13 juin 2019

Un africain sur l'île de Tromelin



**En 1761, des africains capturés furent abandonnés sur l’île de Tromelin, après le naufrage d'un navire de la Compagnie française des Indes orientales. Leur survie pendant 15 ans sur ce minuscule bout de terre, demeure un mystère absolu. Mon texte, inspiré des préceptes de Prévert, tente de romancer ce qui s’est passé.  

Un africain sur l'île de Tromelin 

Un leader naturel, une femme amoureuse 
Un regard qui dit tout, un sourire qui cache mal
Un navire, un capitaine ivrogne, deux matelots sans cœur 
Un froid de canard, des vagues violentes
Un prête sans foi ni loi, une férocité sans nom
Un complexe de supériorité qui tombe, une solidarité humaine qui grimpe, une attaque qui s'organise dans les coulisses 

Deux africains sur l'île de Tromelin
 


Une jeune femme surdouée, un jeune homme intègre 
Un homme bon, trop bon 
Un Roi autoritaire, une église toute puissante 
Deux veilles connaissances, un cousin éloigné
Des requins blancs, un métis congolo-portugais du mauvais côté de l'histoire 
Un cahier de bord, un livre de géographie, 3 bouquins de mathématiques 
Un traite, un peureux, un suicide 
La bénédiction du Pape, un chef de village naïf , une conteuse, un astrologue, un prof d'Ewe

Trois africains sur l'île de Tromelin 

Une femme enceinte, un nouveau-né, un orphelin de père 
Une famille Aristocrate, un commerçant Hollandais, un prince héritier d'un Royaume africain
L’élan vital, la résilience, l’audace de vivre ou la peur de mourir
Sauve qui peut ou plutôt sauve qui peau
Qui est mieux entre celui qui a peur de l'eau et celui qui a peur de l'autre ? 
Un nganga, un triangle amoureux, deux relations compliquées
Une boussole qui ne fonctionne plus, des coquillages, deux bouteilles de Gin


Et…quatre africains sur l'île de Tromelin 




Mayamba Luboya 

lundi 4 mars 2019

Le Congo change


En décembre 1965, dans son recueil de textes intitulé « Telema Congo », l'entrepreneur en série Augustin Dokolo écrivait ceci : « …si préside aux destinées du pays un homme dont le pouvoir repose sur des forces vives de la Nation, sur un corps ayant prouvé pendant ces tristes années de trouble et de rébellion qu’il était bien au service de tous, quel parlementaire déçu, quel intellectuel aigri, quel homme d’affaires dupé, quel citoyen découragé ne trouverait un courage nouveau pour combattre, pour créer, pour construire ? ».


Telle une bouteille à la mer, le message d’Augustin Dokolo refait surface à l’heure des réflexions postélectorales du scrutin du 30 décembre 2018 en RDC. Des propos qui, 54 ans plus tard, sont d’une justesse qui frôle la vision. Entre une démocratie à ses balbutiements, des institutions faibles et un débat sur la « vérité des urnes », n’avons-nous peut-être pas, entièrement, eu le temps d’apprécier le moment présent : le Congo change.

Des salariés impayés entamons des grèves à la queue leu leu, des étudiants d’universités manifestant ouvertement leur opposition au Président de la République, des meetings hostiles au pouvoir diffusé en direct à la télévision d’état, le Congolais n’avait pas respiré cet air de liberté d’expression depuis des lustres. Les téméraires qui s’aventuraient sur ce genre de terrain miné le faisaient au péril de leurs vies.

Et pourtant le nouveau président Félix Tshisekedi, en poste depuis une trentaine de jours seulement, n’a même pas encore nommé de gouvernement. Toutefois, il a réussi quelque chose de très simple, là où son prédécesseur a lamentablement échoué 18 ans durant, le nouveau président…parle. Il parle aux Congolais de l’étranger quand il se déplace, il parle aux médias, il parle au Congolais de la rue. C’est cette communication qui donne l’espoir, et c’est cet espoir qui fait vivre.

Les pays ne tombent pas à cause de la corruption, d’une armée faible ou des multinationales aux dents longues. Les pays tombent par faute de manque de volonté politique.  

Ce n’est pas un hasard que le leader le plus remarquable de l’Afrique actuellement, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, a étudié le « leadership transformationnel ». Dr Ahmed a saisi toute la science de l’exemplarité. 

Tout ce qui manquait à ce Congo, ce n’était donc que la parole. La parole sincère d’un chef.  Au commencement était le Verbe, dit-on. Ce sacré verbe, il a été l’arme redoutable des géants de notre histoire. De Lumumba à Malcolm X en passant par Marcus Garvey, ces « grandes gueules » n’avaient ni armée, ni fortune personnelle, ils n’avaient pour dynamite que la puissance des mots, prêts à détonner au moindre affront. Ces aînés parlaient avec l’esprit, en oubliant que dans la foulée, c’est le corps qui payerait la dette de ces audaces verbales. 

Le vent du changement congolais souffle et la diaspora n’est pas épargnée par cette brise.  Dans les salons de coiffure et autres lieux de rencontres de la communauté, ça parle de retourner au pays, le grand retour cette fois. Le bruit court que les « combattants » n’ont plus à craindre d’être appréhendés à l’aéroport de Kinshasa par des services secrets soupe au lait, béquille d’un pouvoir boitant.


Le Congo change, est-ce que le Congolais changera ?


Mayamba Luboya



dimanche 13 janvier 2019

La danse du Congo

Martin Fayulu et Félix Tshisekedi
Il y a quelques jours, j’ai reçu un texto de ma sœur m’interrogeant sur la proclamation du vainqueur au scrutin présidentiel au Congo. Je lui réponds que c’est Félix Tshisekedi qui a été déclaré gagnant « provisoire ». 

Surprise, et ne connaissant pas trop l’héritier de feu Étienne Tshisekedi, elle me demande alors si cela est une bonne nouvelle pour le pays, s’il fera du bon travail ou si on va se débarrasser de lui. Je lui réplique qu’en fait, c’est beaucoup plus complexe que ça... 

Tshisekedi fils est élu président, mais le chef d’État sortant, Joseph Kabila, a verrouillé le système de l’état. Ainsi, Félix Tshisekedi n’aura pas les pleins pouvoirs, du moins au début de son exercice.

De plus, les résultats sont remis en cause par la puissante Église catholique et contestés par le principal challenger Martin Fayulu. Ma sœur m’arrête, en me disant qu’elle n’y comprend rien à la politique congolaise.

Cela m’a fait rire, et m’a fait réaliser une fois de plus que la politique congolaise est une danse étourdissante.  Les élections au Congo sont un jeu d’échecs en trois dimensions.

Tout porte à croire que Joseph Kabila a organisé ses propres élections. Parce que rien ne pourrait expliquer cette attitude lunatique du peuple : il aurait vivement voté un opposant à la tête du pays, mais majoritairement choisi le pouvoir en place aux législatives.

Kabila est un fin stratège, il a misé sur deux maux congolais : l’égocentrisme et le tribalisme refoulé. Il a réussi à diviser l’opposition, et à faire renaître ce démon qu’est l’appartenance clanique, que le président Mobutu avait pourtant mâtée d’une main de maître.

Jusqu’ici, la RDC a été un modèle exemplaire du vivre ensemble, et pas seulement pour l’Afrique, mais au niveau international. Il n’y a pas beaucoup d’endroits au monde où plus de 400 ethnies cohabitent en paix en utilisant une lingua franca issue d’un groupe parmi eux.

Ce bel héritage est menacé par la passion que suscite la dernière élection. D’une contestation légitime des résultats, certains invitent désormais l’appartenance tribale au débat. Cet aveuglement derrière « son candidat », désoriente le citoyen sur les vrais enjeux, qui dépassent de très loin les simples personnes que sont Félix Tshisekedi et Martin Fayulu.

L’intelligentsia au service du gouvernement congolais a mis le peuple devant un traquenard : soit les Congolais s’affrontent entre eux pour installer leur président, soit ils font appel à la puissance de feu occidentale, qui ne bouge que pour ses propres intérêts, toujours incompatibles avec ceux de ledit peuple.

Ainsi, plusieurs compatriotes croient que le dilemme se trouve entre Fayulu et Tshisekedi. Cela renvoie à cette belle formule que tenait un des candidats malheureux à la présidentielle, Alain Shekomba, en disant : « à force d’avoir personnalisé le problème à Joseph Kabila, nous voulons personnaliser la solution ».

Ce que tout Congolais doit savoir est que leur élection intéresse au plus haut point les puissants de ce monde. C’est que le changement du code minier sans délai a piqué aux vif les multinationales et leurs gouvernements. En effet, le nouveau code minier appliqué en été 2018 a quintuplé la taxe sur les « matériaux stratégiques » que les multinationales doivent payer à l’état congolais. Par un décret, le premier ministre Bruno Tshibala a fait accepter le cobalt, élément indispensable pour les voitures électriques, à la liste de ces matériaux stratégiques.

Mécontentes, les multinationales ont intensifié le lobbying, en plus de rencontrer personnellement le président Kabila pendant plusieurs heures, sans toutefois réussir à faire changer d’un iota la décision du gouvernement.  Depuis sa taxe de 2% datant de 2002, la nouvelle taxe du code minier est désormais de 10%, sans compter plusieurs autres exigences nettement plus rigides. 

Ainsi, le problème de Kabila aujourd’hui, c’est qu’il est maintenant autant impopulaire chez les décideurs occidentaux qu’il l’est chez les Congolais. Le Congolais qui vit avec moins de 2$ US par jour n’a pas senti une seconde les retombées de cette hausse des redevances du nouveau code minier. La corruption ayant raflé sa commission bien avant qu’une partie puisse tomber dans l’assiette du citoyen. De l’aveu même du chef de l’état sortant, 85% de l’économie congolaise serait informelle.

Cette crise postélectorale est donc l’alibi rêvé pour les multinationales afin de régler leurs comptes avec le pouvoir congolais. Le zèle avec lequel le conseil de sécurité de l’ONU a convoqué le président de la CENI, Corneille Naanga, a étonné plus d’un. Surtout, lorsque l’on sait qu’à côté au Cameroun, les appels à la communauté internationale du Dr Maurice Kamto, principal opposant de Paul Biya, sont restés lettre morte.

Les grands médias démagogues instrumentalisent la masse. En prenant des images d’un blessé par-là, un mort par-ci et des témoignages de contrariés, ils préparent la table pour servir la haine, prémisse d’une guerre civile et/ou une intervention extérieure. Ils essayent dur comme fer de convaincre les Congolais qu’ils sont assez vulnérables pour s’envenimer pour deux hommes qu’ils ne connaissaient même pas il y a deux ans à peine. Oui, car Félix Tshisekedi a évolué dans l’ombre de son père jusqu’à la disparition de ce dernier en février 2017, et Martin Fayulu était un soldat inconnu au bataillon pour la plupart des Congolais hors Kinshasa avant cette élection.

Ce n’est donc pas pour les beaux yeux de Fayulu que l’oligarchie tape du poing sur la table.

Les Congolais auront besoin de toute leur intelligence, sang-froid et sens républicain pour déjouer cette énième menace de division qui pèse contre la république. Le Congo n’a de chance de survie pour les prochaines générations que s’il demeure un et indivisible.

Dans cette ambiance de lutte, il faut savoir danser. Il faut esquisser les bons pas pour suivre le tempo de…la danse du Congo.



Mayamba Luboya        


[1] Voir et télécharger le nouveau code minier ici : https://www.mines-rdc.cd/fr/wp-content/uploads/Code%20minier/J.O._n%C2%B0_spe%C3%ACcial_du_28_mars_2018_CODE_MINIER%20DE%20LA%20RDC.PDF                                                                        
        

Kalala, un nom qui lui allait si bien