vendredi 30 mars 2018

Jusqu’où ira l’aliénation ?



Une image circulait récemment sur les réseaux sociaux. Il s’agit, apparemment, d’une jeune écolière africaine essayant de conjuguer au présent, le verbe « s’aimer », sur un tableau noir dans ce qui semble être une salle de classe dans un pays africain. 

Sur l’image, l’étudiante a vraisemblablement du mal à conjuguer ce verbe, il est écrit : « je même, tu thèmes, il sème…».

L’auteur de ce texte n’a pas eu l’authentification de l’illustration, à savoir si elle a été retouchée ou non, mais là n’est pas le souci, car là n’est plus la question.

La problématique est la raillerie que ce genre de photographie suscite chez l'Africain lui-même. Moquant les siens de ne pas avoir été bon élève à l'école de l'assimilation, de ne pas saisir naturellement un langage pourtant  à des kilomètres de leur structure de pensée originelle.  

Aussi gênante qu’elle puisse paraître, cette photo vaut mille mots, elle relève de la biologie, elle est une preuve scientifique de plus de la génétique des populations, car elle affiche les cicatrices d'un peuple ayant vécu sous tutelle pendant des générations. Cette obsession de plaire qui hante l’âme du colonisé.  

La non-maîtrise du français attire donc les moqueries de ses compatriotes africains francophones. Cette pression populaire d'exceller dans la langue de l'ancien dominateur s'avère nettement plus efficace que n'importe quel discours de Jules Ferry. 

L’adresse du français à créer des complexes de supériorité à un point tel qu'en République Démocratique du Congo un dicton est né pour ramener les choses à l'ordre. En effet, les Congolais vous diront « koloba français eza mayele te », du lingala, « parler français ne signifie guère être  intelligent ». Comme quoi, pour rappel : maîtriser le verbe comme Rousseau ne fait pas de vous un philosophe des lumières. 

Il est plus que temps que cessent ces critères intellectuels faussés par le regard de l'autre, comme si la langue de Molière donnait des capacités cognitives. 

Nous serions dans un sacré pétrin si l'on mesurait la vivacité d'esprit par la potentialité des uns à s’approprier le langage des autres. Les étudiants de Harvard perdraient subitement de leur brillance si on les passait un examen obligatoire de...kikongo. 

« L'Afrique est le seul continent où la majorité des enfants commencent l'école dans une langue étrangère 
», comme l’indique un rapport de l’UNESCO intitulé « Pourquoi et comment l’Afrique doit investir dans les langues africaines et l’enseignement multilingue ». Cette situation est un crime contre l'humanité. Car, bien plus que le redoublement de classes parce qu’ils ne saisissent pas le parler de l’enseignant, cela casse l'estime de soi du petit, transforme des surdoués en cancres en les mettant des bâtons dans les roues dès la ligne de départ de la course de leur vie.

Le français est une belle langue, c’est son imposition et son application contre le bon sens qui est aberrant.

L'école primaire africaine doit être dans la langue locale la plus nationale. Pour ce faire, il faut traduire les ouvrages de mathématiques, histoires et autres dans cette langue. Un travail colossal, certes, mais indispensable pour cette nouvelle génération d'Africains. Beaucoup vivent déjà dans des pays en instabilité politique, ne pas hypothéquer leur éducation serait le moindre des services à rendre.

Continuer sur la voie actuelle serait un suicide. Une course vers un mur en béton. Tel un aliéné dans le déni de son mal, se ruant vers le néant, il y a matière à se poser la question suivante : jusqu’où ira l’aliénation ?



Mayamba Luboya

mercredi 21 mars 2018

Panafricanisme : que les vrais croyants se lèvent !

Le militant Stokely Carmicheal, à qui l'on doit le concept de
racisme systémique, fut une figure importante du panafricanisme. 

Depuis près d’un demi-siècle, le mouvement panafricaniste avance timidement. « Avancer » est un bien gros mot, car l’honnêteté intellectuelle nous pousserait de dire qu’il semble avoir…reculé. C’est que les années soixante ont vu beaucoup plus de panafricanistes que cette deuxième décennie du 21e siècle dans lequel nous vivons.

Né dans les Antilles, le panafricanisme est une idéologie qui vise à rassembler les Africains et afrodescendants autour d’une cause commune. Pour vulgariser, c’est comme être nationaliste sans frontières, être patriotique à l’échelle du continent de la terre mère et de ses enfants exilés.

Mais, pas seulement qu’une question de cœur, le panafricanisme est une affaire de raison. Il a prouvé son efficacité durant les soulèvements des années 1960. Les pères des indépendances ont su travailler en bonne intelligence pour que chacun, dans son coin de pays, puisse relever les fronts longtemps courbés. Félix Moumié, Thomas Kanza, Kwame Krumah, Patrice Lumumba et autres avaient compris un principe assez simple : le feu chez le voisin peut atteindre ma demeure.  

Hélas, aujourd’hui, pour bons nombres de partisans, le panafricanisme est plus ou moins un fonds de commerce. On y consacre de longs discours sans vraiment y croire un mot.

À sa façon, le panafricanisme, comme toute entreprise, n’échappe pas à la loi de Pareto : 20% d’adeptes pour 80% de figurants.

Il est un courant de pensée, à l’instar de tout courant de pensée il a besoin de « vrais croyants », pour reprendre ici l'expression de Yuval Noah Harari dans son Best-seller, SapiensDe grands défendeurs de la cause prêts à mettre la main au feu pour cet idéal, de panafricains modèles prêchant par l’exemple.

Sans vrais croyants, ce fameux 20%, le panafricanisme restera un vœu pieux, une utopie pour quelques illuminés et une frustration pour une poignée d’avant-gardistes.


Mayamba Luboya

Kalala, un nom qui lui allait si bien