lundi 30 mars 2015

Une question d'organisation (un article du journal La presse sur l'école de langue africaine à Montréal ELA JAMBO).

TRAIN DE VIE

UNE QUESTION D'ORGANISATION

ENSEIGNER LE LINGALA

« ELA Jambo, voilà mon rêve ! » Guy-Serge Luboya a décidé qu’il le réaliserait, malgré ce qu’il lui en coûterait.
ELA est l’acronyme d’école de langues africaines et jambosignifie bonjour en swahili. « Une toute petite entreprise lancée en septembre 2012 dans le fond de la cuisine de mon trois et demie, décrit-il. À cette époque, je n’avais qu’un seul but : enseigner le lingala à qui veut bien l’apprendre. »
Car l’homme de 32 ans a « une fibre entrepreneuriale », confie-t-il. Il songeait à lancer une entreprise et un ouvrage emprunté à la bibliothèque lui a appris que l’idée de départ se trouvait probablement tout près de lui – sinon en lui. « Qu’est-ce que j’ai en moi de façon naturelle ? J’ai pensé à ma langue. »
Il parle le lingala, une des langues nationales de la République démocratique du Congo, où il est né. Mais curieusement, c’est au Québec, où il arrivé à 9 ans en 1992, que ce francophone a acquis la maîtrise de cette langue que ses parents ne parlaient qu’entre eux.
« Je l’ai appris sur un terrain de basketball avec des gars qui parlaient le lingala. »
ENTREPRISE-ÉCOLE
En 2012, il a enregistré son entreprise, lui a trouvé un nom et a ouvert son école de langues africaines. Il travaillait alors pour une entreprise de télécommunications et il suivait des cours de marketing à temps partiel à HEC Montréal.
« J’étais mon premier enseignant et un collègue de travail a été mon premier étudiant, raconte-t-il. Une fois par semaine, deux heures durant, je lui inculquais l’ABC du lingala, avec quelques notions historiques. »
— Guy-Serge Luboya
Son entreprise n’existait que sous la forme d’un numéro de téléphone et d’un compte Facebook. L’intérêt pour un cours de swahili s’est manifesté. « J’ai trouvé un professeur, j’ai offert le cours, et peu à peu, ça a commencé. » Des étudiants, des langues et des professeurs se sont ajoutés.
En janvier dernier, il a loué un local où il a aménagé deux classes. Pour la session d’hiver 2015, l’école compte sept langues africaines, cinq enseignants et 38 élèves.
Les professeurs sont pigistes. Guy-Serge Luboya reçoit l’aide d’un vice-directeur et d’une chargée de communication, tous deux bénévoles.
« Les gens ont constaté que j’étais le seul à faire ça pour l’instant à Montréal et au Québec et beaucoup de gens me contactent. Je suis un peu victime de mon succès en ce moment. C’est une période de croissance et il faudrait fournir la marchandise, avoir plus de profs, plus de classes. »
BRÛLER SES NAVIRES
Guy-Serge Luboya a quitté son emploi le 27 janvier dernier. « ELA Jambo demande de plus en plus de mon temps pour gérer les défis quotidiens, explique-t-il. Il fallait que je fasse un choix. »
Pourtant, l’école fait à peine ses frais.
Le loyer pour ses deux classes s’élève à 1400 $ par mois. Le salaire des enseignants varie entre 15 et 20 $ de l’heure. Une session de 20 heures, à raison de deux heures par semaine, coûte une centaine de dollars.
« Après le loyer, les professeurs, la publicité, les affiches, il ne me reste pas grand-chose pour moi ni pour faire de nouvelles activités. »
— Guy-Serge Luboya
Il s’était préparé à ce plongeon depuis un an, en restreignant ses dépenses et en mettant des économies de côté.
Il a épargné suffisamment pour vivre pendant six mois – jusqu’en juillet. Ses dépenses sont réduites au minimum. Il habite un trois et demie et n’a pas de voiture.
« Mon rêve n’est pas assez rentable pour que je puisse en vivre pour l’instant et les finances ne me permettent même pas d’amener l’entreprise à un niveau supérieur », reconnaît M. Luboya.
« Mais j’y suis, j’y reste ! La vie est une question de choix. J’ai donné un peu de stabilité financière pour avoir un peu d’indépendance d’esprit et faire quelque chose d’original. À chacun son âme, la mienne est foncièrement entrepreneure. »
LE CONSEIL
Une petite auscultation s’impose. C’est la prescription de Daniel Rigaud, directeur du SAJE Montréal Centre, un organisme spécialisé dans le soutien aux entreprises en démarrage.
Pour l’instant, il recommande un diagnostic d’entreprise sur les points suivants : 
• le marché, l’environnement concurrentiel et la clientèle potentielle ;
• les enjeux financiers de l’entreprise et les éventuelles sources de financement ;
• une meilleure définition de l’offre de services ;
• un déploiement optimal de la stratégie de commercialisation.
Un tel diagnostic favoriserait « une utilisation optimale des ressources humaines, matérielles, techniques et financières de l’entreprise, et l’élaboration d’une stratégie de croissance réfléchie, appuyée par le développement d’un modèle d’affaires éprouvé », explique M. Rigaud.
Il donne quelques exemples de points critiques.
« Il est important d’identifier le seuil de rentabilité qui permettra de déterminer le chiffre d’affaires minimum à réaliser pour couvrir l’ensemble des charges de l’entreprise. »
Évidemment, la survie de la fragile entreprise en dépend.
Daniel Rigaud suggère également d’élaborer différents scénarios pour optimiser la gestion des opérations. Ces hypothèses permettraient de mieux coordonner le produit (les cours), la clientèle (les étudiants), la capacité de production (les classes), les ressources (les professeurs).
Il reconnaît que ce programme constitue un véritable défi pour Guy-Serge Luboya. « Pour ce faire, un accompagnement proactif est indispensable », avise-t-il.
L’entrepreneur pourrait suivre quelques formations « structurantes », pour être ensuite accompagné par un mentor, suggère-t-il encore.
Plusieurs organismes – dont le sien ! – peuvent soutenir M. Luboya dans son aventure, souligne-t-il. « Il a lancé une entreprise culturelle, ce qui n’est pas évident. Il n’y en a pas beaucoup comme elle et c’est un beau champ d’entreprise. »
Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.

samedi 28 mars 2015

L'héritage d'Étienne Tshisekedi

Comme tous les grands hommes, Étienne Tshisekedi a son lot de détracteurs et de fanatiques. Les premiers disent de lui qu’il est utopiste, « endormeur » et spécialiste des occasions ratées. Les seconds lui vouent un culte, voient en lui un messie, le qualifiant d’homme providentiel du Congo.

Tout en rejetant l’idée même du fanatisme, je m’inscris dans le camp des supporteurs du sphinx de Limete (un de ses surnoms).

Du calme les antis-Tshisekedistes, je vous explique ;

Il y a quelques années dans le milieu Congolais est apparue une expression devenue populaire voulant désigner la classe politique de l'ex Zaïre. Ce terme c’est la politique du ventre. Cette dernière se veut la conception qu’ont beaucoup de politiciens congolais des affaires publiques, ils font d’abord de la politique pour « bien manger ». Le politicien congolais typique est un véritable caméléon, champion des tournures de vestes. Il flirt avec tous les parties, réalise des alliances impossibles, dit une chose le jour et son contraire le soir. Il n’a que faire des manifestes, des idéologies et des statues d’une organisation. Tout ça c'est des « détails » pour lui. 

Dans le fond, ce qui l’intéresse c’est..la forme et non le fond.  

Le fond a tué Lumumba, la forme a permis à plusieurs d’engraisser, d’envoyer leurs enfants étudier en occident, de se faire soigner à l’étranger. Voilà donc le calcul facile que fait le politicien congolais moyen ; le fond = problème, la forme = belle vie.

Et là apparaît Étienne Tshisekedi, un Monsieur de 82 ans. À l’âge d’être vulnérable et de penser à la retraite d’orée, il reste intransigeant et refuse les postes offerts sur un plateau d’argent.

Il répète la même chose depuis 1982, année où il a cofondé l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). À cette époque il disait, et le déclare encore, « tenez bon l’UDPS vaincra ». On peut être d’accord ou non sur ses méthodes, mais on se doit de respecter l’ange de la conviction au paradis des opportunistes. Un musicien congolais a dit un jour ; même si tu n’aimes pas la gazelle admet quand même qu’elle court vite.

Selon moi, c’est cela l’héritage de Ya Tshitshi (un autre de ses surnoms); on ne fait jamais de la politique pour un poste. Président, gouverneur, député ne sont pas des finalités mais des moyens. Des podiums sur lesquelles on se tient pour transmettre sa vision au peuple.

Parce que comme le dit le principal intéressé, c’est surtout et avant tout, le peuple d’abord !   



vendredi 27 mars 2015

À propos de Thomas Kanza..



Samedi le 28 février, avait lieu une magnifique activité dans le cadre du Mois de l’Histoire des Noirs à l’école des langues africaines à Montréal, Ela Jambo.

La conférence intitulée « Thomas Kanza ou l’éminence grise de Patrice Lumumba » avait pour objectif de faire la lumière sur cet homme de l’ombre méconnu du grand public.

Une vingtaine de personnes se sont présentées dans un local habituellement utilisé comme salle de classe. L’espace limité et le nombre restreint de participants a donné une touche conviviale à ce rendez-vous. Un trait d’union, ce moment magique où une nouvelle génération rencontre une ancienne par l’entremise d’un témoin privilégié.

Notre témoin était M. Albert Ndandu Ya Mahania, président & fondateur du Festival du Cri du Congo pour la paix. L’élément non-négligeable de l’avoir comme conférencier est le fait qu’il a connu Thomas Kanza personnellement. Les yeux émerveillés et le ton énergique, il nous a transportés de 2015 à 1960 en plein cœur de la lutte de nos grands-parents pour une vie plus digne.

De notre hôte, nous étions si proche physiquement mais si loin tant il nous abordait une autre époque. Une génération séparait la plupart de l’assistance de l’intervenant. Cette distance a davantage était illustrée lorsqu’il racontait des anecdotes sur certains membres de la classe politique Congolaise d’antan en prenons pour acquis que tout le monde connaissait ces gens-là.

Thomas Kanza a été, à une période, le plus proche collaborateur de Patrice Lumumba et son principal conseiller. Allergique aux caméras, il faisait en « coulisses » ce que son camarade Patrice faisait sur le podium.

M. Ndandu nous a racontés comment est-ce que Thomas Kanza a failli sauver la vie de Lumumba grâce à ses talents d’habile diplomate et de fin tacticien. En effet, connaissant Eleanore Roosevelt, il avait ses
« entrées » dans l’entourage de John F. Kennedy du temps où celui-ci était représentant démocrate du Massachusetts.

Selon Kanza, Kennedy était favorable à l’émancipation des Congolais et au leader de cette cause.
JFK était, parait-il, déterminé à travailler avec Lumumba dès qu’il s’installerait dans le bureau ovale de Washington.

S’ensuit alors une anxieuse course contre la montre ou plutôt contre la mort. D’un côté, Kanza s’activant avec la dernière énergie pour garder Lumumba en vie jusqu’à l’établissement de JFK, et de l’autre les frères John & Allen Dulles, dirigeants de la CIA, décidés d’en finir avec le héros national Congolais.

Malheureusement, Kanza perdit son combat. Lumumba fut assassiné le 17 janvier 1961, Kennedy prêta serment 3 jours plus tard.

Après l’exposé, s’en est suivie une période de questions-réponses très essentielle. Des interrogations telles que: comment se fait-il que la CIA arrive à tuer nos leaders si facilement ? Le Congo pourrait-il un jour jouir de ses richesses ou est-il condamné à courber l’échine ? Comment expliquer que les Congolais doivent miser leur destin sur un dirigeant à Washington ?

Le conférencier Albert Ndandu a donné sa vision de la situation sans avoir de réponse absolue. C’est normal, je crois que des questions de ce genre ne trouvent leurs réponses que dans le temps.

Le temps se chargera de fabriquer une nouvelle génération de Thomas Kanza & Patrice Lumumba. Des forces obscures pourront s’asseoir des heures à élaborer des plans pour maintenir un peuple dans la médiocrité, mais le jour où le vent de la révolution soufflera dans l’oreille des opprimés, les plans des oppresseurs s’envoleront par la force de ce même vent.

Samedi le 28 févier, nous étions tous Thomas Kanza ! Inconnus du grand public, nous étions réunis dans
« les coulisses » à échanger autour d’une cause noble et juste.


Ata ndele*


Ata ndele,en Lingala, signifie tôt ou tard. C’est aussi le titre d’un des livres de Thomas Kanza.
P-s: Thomas Kanza à écrit une dizaine de livres, la plupart disponible sur amazon.com.


jeudi 26 mars 2015

Ce soir quand tu verras Patrice...

Ce soir quand tu verras Patrice dis-lui ;

Je ne sais pas par où commencer j’ai tellement de choses à dire à mon vieux 
Tout d’abord, on vient de passer 2015, présente lui mes vœux 
Tonton, tu te rappelles de Mobutu le petit journaliste ?
Il a régner pendant 32 ans sur tes filles et fils

Il avait pourtant bien commencé mais il a mal fini
Au fait, tous les pères de l’indépendance sont morts à part Kalonji
Chapeau pour ce que vous avez fait à la table ronde
Mais 55 ans plus tard, le Congo sert toujours de vache à lait aux oligarques de ce monde

Des millions de morts vieux, ils veulent nous enrayer de la carte
Pendant qu'au pouvoir on a un Tippo Tipo qui s'en lave les mains comme Ponce Pilate
Des puissances dérangeantes avares de notre sous-sol
Qui nous prennent pour des sous-hommes et nous font vivre des aventures de Rocambole

Et à chaque 4 ans, on nous organise un dîner de cons
Que la communauté internationale appelle élections
Mais 2016, tour oyo to ko boya*
Ce soir, quand tu verras Patrice, dis-lui que c’est son fils, Guy-Serge Luboya



Guy-Serge Luboya



*Tour oyo to ko boya, en Lingala, signifie ''cette fois nous allons refuser''.

mercredi 25 mars 2015

La République Démocratique du Congo : Une banque sans caméras, sans agents de sécurité



J’ai l’habitude de dire que le Congo actuel est une banque sans caméras, sans agents de sécurités. Cette phrase, je l’ai prononcé en novembre 2014 devant un parterre d’étudiants à l’UDEM lors d’une conférence sur le Congo. Je l’ai reprise in english version le 14 mars dernier lors d’une autre assise sur la situation des réfugiés Congolais devant des étudiants en médecine de la McGill university.

Aujourd’hui, j’ai envie d’ajouter que cette banque n’a qu’un simple caissier derrière le comptoir, vraisemblablement pas très motivé par son emploi. Ce manque d’enthousiasme envers ses responsabilités explique surement le fait que notre indifférent guichetier regarde toujours à gauche quand les malfaiteurs rentrent à droite. 

J’aimerai que vous vous prêtiez à un exercice ; fermez les yeux un instant ! 

Maintenant que vos paupières sont baissées, imaginez-vous dans la tête d’un braqueur. Vous avez été avisé par « vos réseaux » d’une banque où il parait plus facile de voler un lingot qu’une barre de chocolat dans un supermarché. La caisse se trouve dans un quartier pauvre et lointain. Pour X ou Y raison, cette zone n’intéresse pas trop les grands médias, pas plus qu’elle ne suscite de grandes passions chez Monsieur et Madame tout-le-monde hors du ghetto. Vos acolytes vous ont précéder et tous s’entendent pour dire qu’il s’agit là du crime parfait. 

Lorsque vous vous y rendez à votre tour, vous trouvez même sur place des employés prêts à collaborer. Alors, vous vous dites ; si eux-mêmes volent leur propre institution pourquoi je me gênerais ? Ainsi, vous dérobez sans vergognes, sans aucun sentiment de culpabilité, sans prendre conscience des dommages collatéraux, de vies humaines sacrifiés. Les signes de dollars dans vos yeux vous empêchent de voir le sang des Congolais qui coule. 

Maintenant, rouvrez les pupilles ! Non ce n’était pas un nouveau roman de J.K. Rowling, c’est bel et bien la réalité du monde dans lequel on vit. Un monde à l’envers où les voleurs portent des cravates et ont leurs compagnies inscrites à la bourse. Un univers où les victimes sont dépouillées, mutilées et enterrées dans une indifférence presque criminelle. 

Le Congo n’est pas à genoux parce qu’il est riche, le Congo est à genoux parce que ses dirigeants ne veulent pas le défendre. 

Il est important de faire la distinction entre vouloir et pouvoir. Ce ne sont pas les braves gens qui manquent dans ce pays pour défendre leurs terres, c’est plutôt un manque de conviction de leur gouvernement. Ce dernier étant sous tutelle d’une mafia internationale. Tout est question de volonté politique, tout vient toujours d’en haut. Les pieds n’auront jamais les bons pas de danse si la tête ne capte pas bien la musique.  

Entre-temps, veillons à ce que notre impuissance ne se transforme pas en indifférence. Parlons, chantons, écrivons, de cette manière nous sommes, même à distance, les agents de sécurités et les caméras de cette banque.

Kalala, un nom qui lui allait si bien