dimanche 18 octobre 2015

La musique Congolaise des années 60 ou la sociologie sur fond de rumba


L'African Jazz
Je me suis souvent demandé qui pouvait vivre sans musique ? Pour ma part, ce serait très difficile, voire impossible. J’écoute toutes sortes de compositions pour toutes sortes d’occasions.
 
Le chant berce l’esprit, lui donne les capacités d’un avion tant il vous évade ne serait-ce que la durée d’un refrain, les compétences d’une machine à remonter dans le temps, tellement il peut évoquer des souvenirs.

 

Il arrive aussi qu’une œuvre musicale devienne un puissant instrument de changement social. Des musiciens comme Bob Marley, Brenda Fassi, Tupac Shakur ou même Chad « Pimp C » Butler l’avaient bien compris de leurs vivants. Eux qui n’ont cessés de transmettre un message à la masse derrière une métaphore ou entre deux accords de guitare. La vraie musique, on l’entend avec ses oreilles mais l’écoute avec son cœur.  
Ce goût que j’éprouve pour la chanson vient certainement du bagage culturel que j’ai hérité de mes origines Congolaises. Car en effet, chanter et danser sont une tradition en R.D Congo. Depuis les esclaves Congolais, au 18e siècle, profitant du Code Noir sur l’asphalte du Congo Square en Nouvelle-Orléans, jusqu’à l’artiste Fabregas dans son récent tube Mascara, les anciens Zaïrois n’ont jamais perdu le rythme. Cadence qui a influencé toute l’Afrique.
Toutefois, si les musiciens Congolais n’ont pas égarés cette affinité avec la musique, en revanche, ils ont délaissés le côté éducateur de la chose.
Aujourd’hui, hormis les Jean Goubald et Lokua Kanza, rares sont les compositeurs du grand Congo qui traitent de questions sociétales dans leurs œuvres. De nos jours, on vante les vertus de la bière et les ..parties du poisson (longue histoire).
Il faut remonter près de 50 ans en arrière, autour des années 60, pour retrouver la musique engagée dans l’ex-Zaïre. Les chanteurs de l’époque étaient de véritables sociologues, observant leurs contemporains et commentant leurs faits et gestes. Ils n’allaient pas très loin pour puiser leurs inspirations, toutes leurs influences provenaient de la société qui les entourait.
Ainsi, dans un Congo qui manque cruellement de bibliothèques, ces mélodies des anciens sont d’une grande pertinence pour illustrer la société congolaise d’antan.

 
Voici trois incontournables de la chanson Congolaise pour comprendre le Congo d’autrefois et saisir le génie de ses artistes.
 
1.   Indépendance cha cha de Joseph Kabasele (Grand Kallé) et l’African Jazz.
 
Independance chacha vous plonge en plein cœur des tractations pour l’indépendance du Congo entre les nouveaux responsables Congolais et les colons belges.  
Ce qu’il y a de particulier avec cette composition c’est que lorsque l’on parle de plongeon au sein des négociations ce n’est pas qu’au sens figuré mais bien aussi au propre. Effectivement, l’artiste Joseph Kabasele et la troupe African Jazz qui interprète la chanson révolutionnaire, sont tous présents en Belgique lorsque leurs compatriotes politiciens négocient les termes d’un Congo indépendant.
La veille de la signature de l’acte d’indépendance, Thomas Remy Kanza, proche conseiller du premier ministre Patrice Lumumba, propose à Joseph Kabasele de concevoir une chanson qui immortalisera cette évènement. Kanza insiste sur le fait que la musique doit être enivrante car l’orchestre devra la jouer devant public le lendemain. En dernier lieu, Thomas Kanza remet au Grand Kallé une liste de noms des participants à ces discussions afin que le groupe introduise ces patronymes dans la mélodie.
La chanson fût conçue en une seule nuit et devint un succès instantané.Elle est chantée dans les langues nationales Congolaises. Le morceau célèbre la victoire des Congolais et vante la maturité des hommes politiques à avoir parlé d’une seule voix.
 
2.   Mario de Franco Luambo Makiadi
Mario est le personnage central de ce grand succès du rumbiste Franco Makiadi. Ce Mario, est un violent gigolo. Il profite du travail d’une femme amoureuse de lui et n’hésite pas à lui faire subir des sévices corporels lorsqu’il éprouve de grosses crises de jalousies.
Non seulement c’est madame qui paie le loyer, mais Mario veut conduire la nouvelle Mercedes de son amante, lui laissant plutôt le siège passager. De plus, il aime toujours bien paraitre en public et voudrait faire croire qu’il est le seul responsable de ses beaux costumes et de sa belle apparence. Dans ce Congo machiste de l’époque, il ne faudrait surtout pas que l’on apprenne que tout cela est le travail d’une femme. Le greluchon serait vite tombé en disgrâce.
Des femmes qui tiennent les finances et entretiennent des hommes, matériellement parlant, était un sujet tabou dans ce paysage. Pour aborder ce thème et en faire un hit, le parolier Franco a été avant-gardiste et courageux.
 
 3.   Mabele de Sam Magwama
 
Sans peur d’être contredit, on peut affirmer que Sam Magwama était un grand poète. Dans ce titre, il aborde la question de la mort. En effet, Mabele signifie la terre en lingala.
  L’homme de lettres songe à son retour à la terre. Il pense à ses économies quand il a cette réflexion drôle et révélatrice d’une certaine mentalité bien avant les assurances vies, il chante « on veut faire des économies pour être à l’abri une fois vieux. Mais, une fois arrivé à la vieillesse on change d’idée. On se dit, pourquoi ne pas profiter de l’argent qu’on a bien gardé ? Pourquoi laisser cette bourse à des gens qui n’ont pas souffert pour l’avoir ..»
 
Guy-Serge Luboya
Pour en savoir plus sur la création d’independance chacha, voici un court documentaire ;
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

vendredi 16 octobre 2015

Demain l'Afrique : Pour un leadership commun



L’Afrique est une véritable usine de fabrication de sauveurs. Ces hommes et femmes qui, veulent ou doivent, porter sur leurs petites épaules le poids d’une nation entière. Le continent mère déborde d’histoires rocambolesques d’individus affrontant presque seul tout un système. Nous n’avons qu’à penser aux Sankara& Lumumba pour illustrer quelques cas.
Les sauveurs sont adulés des africains épris de liberté et justice. On les admire pour leur courage, leur sens sacrificiel et leur indépendance d’esprit. Les écrivains et réalisateurs ont immortalisées leurs vécus dans des livres et films qui ont connus un grand succès.
Fort de cette promotion, la nouvelle jeunesse africaine veut emboîter le pas à ces héros, et là est tout le problème. Pourquoi recopier une formule qui ne marche pas depuis des lustres ? 
En effet, autant nous admirons les Lumumba, Sankara, et autres, nous nous devons de mettre de côté nos émotions afin de pouvoir revisiter l’histoire sous une analyse à froid. Le constat est simple ; ils n’ont pas réussis. Leurs rêves n’étaient vraiment pas de se faire assassiner à la fleur de l’âge pour ensuite être adulés par des millions d’inconnus à travers le monde. Être un martyr ne devrait être le plan de carrière de personne.
Nos vieux avaient un plan bien défini, une mission à accomplir. Elle s’est soldé par une défaite car ils marchaient très vites sans être vraiment suivis. La lutte a vite pris la forme de leurs visages, et c’était donc ça le piège.
Comment un combat si gigantesque, qu’est la libération d’un peuple, peut-il être personnalisé ?
La faute est partagée. D’un côté par le sauveur, et de l’autre par les appelés à être sauvés. Le premier, incapable de donner au second l’heure juste, d’avouer que sa force a des limites. Le second, dans l’incapacité de se prendre en charge, rejetant constamment sa responsabilité sur le premier.
Cette situation où l’on ne jure que par l’homme providentiel est une mauvaise stratégie. Elle met le leader dans une position d’extrême vulnérabilité et facilite la tâche aux adversaires. Ces derniers n’ont qu’à éliminer le meneur s’ils veulent éradiquer le groupe.
Il y a pourtant des exemples de mouvements qui fonctionnent en groupe. C’est le cas de la confrérie des Frères Musulmans en Égypte. On peut être d’accord ou non avec leurs activités, mais là n’est pas la question. Ne nous attardons qu’à leur style de leadership.
Leur guide suprême est Mohammed Badie, or lors des élections présidentielles Égyptienne en 2012 ce n’est pas le berger spirituel qui présente sa candidature mais un bon et simple disciple du nom de Mohammed Morsi. Ce dernier en prison aujourd’hui, le groupe fonctionne toujours, car Morsi n’a jamais personnifié le combat de ses confrères islamistes.
Il y a d’autres tendances du genre, comme les « Maï-Maï » en R.D. Congo, encore là il y a un leader et des responsables, cependant ceux-ci ont réussis à se fondre dans la masse. Tel que quand on pense au « Maï-Maï » , la première image qui vient en tête n’est pas celle d’un individu mais celle d’un collectif.
L’ancienne génération africaine a été forte à produire des hommes et femmes d’exceptions. Le défi de la nouvelle génération sera de créer des groupes et des systèmes forts.
Car, seuls ces groupes pourront rivaliser à force égale avec les groupes de ceux-là qui hier tournaient autour de l'Afrique pour le diamant, demain le feront pour l'eau.
 
 
Ubuntu : Je suis parce que nous sommes !


Guy-Serge Luboya


Kalala, un nom qui lui allait si bien