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Dr. Denis Mukwege |
L’organisation
capitaliste dans laquelle la plupart de nos sociétés évoluent est une structure
basée sur la « richesse avoir ». En effet, l’ascension sociale passe par
l’accumulation de capital. Les détenteurs de
patrimoines plus considérables sont au sommet de la pyramide. Ces
individus fortunés ont étés élevés au-dessus de la masse, leurs biens matériels
ayants tracé la démarcation entre eux et le citoyen lambda.
Cette délimitation
entre le riche et le commun des mortels est d’autant plus apparente du fait que
l’abondance pécuniaire soit tangible. On remarque les millionnaires de l’avoir dans nos collectivités, ils font la une
des journaux et roulent aux volants de Porsche et Mercedes.
Le compte en banque est
le réservoir de cette moisson. Il met à l’abri les fruits de l’arbre financier
dans ce jardin de la possession.
Mais, non loin de cette
espace existe un autre monde, un univers diffèrent, celui de la « richesse
être ».
Sous ce paradigme, les
choses sont beaucoup plus abstraites. Effectivement, quel est l’indicateur qui
permet de mesurer l’humanité d’un individu ? Quel est le compte en banque des élites de l’être ? Est-ce le nombre d’amis Facebook ? La sociabilité ? Il
serait difficile de répondre à ces questions tant il y a de gentils pas bons et
de bons pas gentils.
Toutefois, on finit
toujours par reconnaitre la bonté, elle est comme la beauté, claire et sans
aucun doute dans les yeux de celui qui la regarde.
Au cours des deux
dernières décennies un illustre citoyen de la terre a donné une leçon de
savoir-vivre à ses contemporains. Cet honorable se nomme Denis Mukwege.
Médecin, mais aussi pasteur, l’homme est allumé d’une passion évidente pour
guérir les plaies.
S’il jouit aujourd’hui
d’une popularité qui ferait une rock star
rougir de jalousie, le docteur a débuté son combat il y a bien longtemps, bien
loin des caméras du monde entier. En 1988, alors établi à Angers, il quitte la
douce France et son prestigieux poste de gynécologue, pour exercer dans un
petit hôpital de Lemera (Sud-Kivu) où il croit que ses services seront plus
utiles.
À cette époque, il ne
faisait que des accouchements, bien loin de s’imaginer que quelques années plus
tard ses patientes se présenterons à l’établissement non pas pour donner
naissance mais pour se réparer d’un viol. Mukwege ne se doute pas aussi que
Lemera deviendra tristement célèbre pour ces fameux accords de Lemera dans lesquelles Laurent-Désiré Kabila
aurait fait d’importantes promesses de concessions à ses accompagnateurs
Rwandais et Ougandais. Kabila rejeta ces soupçons d’un revers de la main,
qualifiant ces prétendus contrats de «conglomérat d’aventuriers. »
L’été 1996 marque le début
des embrouilles pour Denis Mukwege, c’est à cette période-là qu’il s’oppose à
l’armée zaïroise qui lui demande de poser des barrières afin empêcher les «
banyamulenge » d’avoir accès à l’hôpital de Lemera où il est devenu
Médecin-Chef. Les FAZ suspecte alors les
Tustis de «Mulenge » d’êtres de connivence avec les autorités rwandaise qui
chercherait à attaquer les camps Hutus au Kivu.
Le refus d’obtempérer
de Mukwege créera des tensions entre les autorités militaires et lui.
En octobre de la même année,
il faut d’énormes pressions, dont la maladie d’un employé suédois de l’hôpital,
pour que Mukwege se décide à quitter Lemera pour Bukavu. Le centre hospitalier
est bien malgré lui, sur la route des rebelles qui marchent vers la capitale
Kinshasa. Après son départ, l’hôpital de Lemera est passé à feu et à sang,
laissant morts patients, infirmières, collaborateurs..tous massacrés par les belligérants.
Ce n’est pas d’ordinaire
le genre d’expérience que devrait vivre un spécialiste de la santé, mais cela
fait très longtemps que Denis Mukwege n’est plus qu’un médecin. Il s’improvise
organisateur humanitaire quand fin 1996, il mobilise le gouvernement Zaïrois et
la communauté internationale pour fournir avions, eau et denrées aux 300 000
Congolais et Rwandais battants le pavé sur une distance de 700 kilomètres, en
passant par la forêt, de Bukavu à Kisangani, fuyants les tirs de la première guerre du Congo.
Autant, il devient un
sorte de diplomate des sans voix, allant de tribune en tribune, répétant à qui
veut bien l’entendre qu’il y a une éradication des Congolais dans l’Est de la
R.D.C. Et c’est particulièrement ce message de génocide planifié, cette manière
de dire les choses toutes crues, qui gêne les commanditaires des multiples
tentatives d’assassinats sur le Docteur-Pasteur. Ses ennemis aimeraient bien qu’il
se contente de faire son travail de médecin.
L’homme qui répare les femmes est un témoin gênant, qui déballe ce qu’il voit et pense
sans se soucier de qui il pourrait déranger. Il n’hésite pas à avancer que le
viol est une arme de guerre au Congo, que ces hommes en armes venus d’ailleurs
qui s’acharnent sur l’appareil génital de la femme Congolaise ont un plan bien précis
de dépeupler les autochtones du Kivu pour les remplacer par des allogènes.
Ce côté franc parleur
et jusqu’au-boutiste a surpris plus d’un, tant ce trait aventurier ne concorde
pas avec l’allure bon père de famille sage et responsable de Mukwege. Cette prise
de position vient montrer une autre facette de cette personnalité plurielle, en
plus d’être médecin et pasteur, il est un citoyen engagé.
Même si il n’a pas un
compte en banque de sept chiffres, Dr.
Denis Mukwege sera toujours riche car il a des valeurs à vendre.
Guy-Serge Luboya