Kalala Omotunde |
Le 14 novembre dernier, un séisme a secoué le monde kamite et panafricain : le très estimé professeur Omotunde nous a quittés.
Né Jean-Philippe Corvo, devenu Nioussiérê Kalala Omotunde
après un long voyage intérieur, le "très cher" est parti honorer une
citation à comparaitre au tribunal d’Osiris.
Il n’y a qu’un Esprit saint qui ait pu guider Jean-Philippe à
convertir son prénom pour Kalala. Car, l’âme de ce nom luba est intimement liée
à la personnalité que fût l’illustre disparu. Comme si ce prénom l’attendait au
carrefour de sa marche vers une déconstruction totale des mensonges historiques.
Un dicton en lingala ne dit-il pas "kombo elandaka"
ce qui signifie " le nom suit" : une formule concise et
imagée qui résume assez bien ce qu’est la psychologie des prénoms.
En effet, en ciluba, Kalala signifie "celui qui a de la valeur",
"le
valeureux"
(1).
À la base, ce n’était pas un nom commun, mais un titre donné
au 1er guerrier du royaume (2).
Dans le dictionnaire français-tshiluba, Kalala est défini
comme "
sous-chef de guerre, vice-ministre de la défense" (3).
Ce nom est donc profondément associé à la notion de
défense, de préservation.
Dans l’actuelle organisation des sociétés, le Kalala serait ainsi
l’équivalent du chef de la garde républicaine. Il est celui qui permet au chef
de l’État
de dormir sur ses 2 oreilles. Il est en quelque sorte la colonne vertébrale du
pouvoir, car si le Kalala tombe, le chef tombe, si le chef tombe, le pays tombe.
Être un Kalala c’est donc être un gardien du temple, un rempart de la
tradition, un protecteur du corps, ce dernier autant physique que spirituel. D’ailleurs,
l’ancien garde du corps du leader congolais Étienne Tshisekedi s’appelait
Kalala.
Un Kalala doit donc avoir beaucoup d’humilité, car seule une
grande modestie permet à un homme fort de respecter la hiérarchie, de résister
au syndrome d’Iznogoud.
Dans cet univers de gros egos qu’est le monde kamite et
panafricain, il fallait toute l’abnégation d’un Kalala pour rester au-dessus de
la mêlée et éviter les palabres futiles qui fragilisent le mouvement.
Kalala Omotunde a effectué un travail colossal de son vivant,
il a corrigé le tir d’un prénom donné à la naissance qui ne lui correspondait
plus, et a honoré son 2e prénom de renaissance par ses actions.
Que la terre lui soit légère.
Mayamba Wa Luboya
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(1 )
Remi Biakabutuka, « Les noms lubaphones »,
2004, p. 125.
(2 )
Idem
(3 )
Mathieu Kayoka Mudingay, « Dictionnaire Français-Tshiluba,
3e édition », 2011, p. 92.
Autres sources :
Kizito J. Kalala, « Ciluba, s’initier à la
langue », 2019, 147 p.