mardi 19 mai 2015

''Ne retourne pas au Congo''



Lundi, en fin de journée j’effectuais une course sur la rue Sainte-Catherine dans le centre-ville de Montréal. J’ai soudainement croisé un de mes vieux comme on dit dans le jargonafricain. Un vieux c’est un ancien, quelqu’un d’assez âgé pour être votre grand-frère mais trop jeune pour être votre père. 

Pour la circonstance, on l’appellera Moyi. Je connais Moyi depuis 20 ans maintenant. On se croise toujours par hasard environ 4 à 5 fois par année. Moyi est dans le début de la quarantaine, élevé en R.D.C, il vit au Québec depuis 2 décennies mais fait souvent la navette entre Montréal et Kinshasa. À chaque occasion, on s’arrête quelques minutes et discutent de tout & rien. Lundi, par contre, la conversation était un peu plus intense. 

Après les salutations d’usages, Moyi me demande ; « Alors Guy-Serge, je sais que tu es dans les affaires, ta pensé à faire du business au Congo ? 

Moi : Oui, oui, J’y ai pensé ! Même que j’ai réfléchi à carrément y retourner vivre. 

Moyi : Eeeeehhhh (il enlève aussi ses lunettes de soleil) ! Petit-frère, ne retourne pas au Congo !! Vas-y quelques mois à la limite pour implanter une entreprise mais oubli l’option d’y construire ta vie. 

Moi : Mais, pourquoi ? C’est mon pays non ? 

Moyi : Mon petit, c’était ton pays. Tu as fait trop de temps ici. Le Congo tu ne le reconnaitras pas et vice-versa. Tu vas avoir beaucoup de problèmes avec les gens, même ceux de ta propre famille. Ils vont tous te prendre pour un pourvoyeur. On fera la file devant chez toi pour te demander de l’argent. 

Moi : Mais Moyi, si j’ai de l’argent je ne vais pas juste le donner tout bonnement. Je vais créer des opportunités pour qu’ils puissent en profiter. Dans le cas où je n’en n’ai pas, et bien, je leur dirai que je n’ai rien. 

Moyi : Si tu leur donne l’opportunité ce n’est pas sure qu’ils vont la saisir. Si tudis que tu n’en pas, ils ne te croiront pas. Tu vas alors t’attirer de la haine et ils monteront toutes sortes d’histoires contre toi. 

Moi : Moyi tu exagères. 

Moyi : Au contraire, il y a des histoires plus pires que ça. Je te dis, oubli ça, tu ne pourras pas t’adapter. 

Moi : Mais nos parents qui ont immigrés ici dans un pays complètement inconnu loin de leur Congo natal. Ils se sont bien adaptés eux, alors comment moi qui vient de là je serai totalement dépaysé ? 

Moyi : Nos parents n’avaient pas le choix. Ils étaient sous la contrainte. Toi, que tu le veuilles ou non, tu auras le choix. Quand se sera trop dure, quand tu en auras vraiment marre, tu vas plier bagages et revenir ici. 

Notre conversation a été interrompue faute de temps, mais je suis parti songeur. Moyi représente bien le phénomène que l’on appelle diaspora. Il aime son pays d’origine, y pense tout le temps, comprend très bien les enjeux et la misère dans laquelle est placé ce coin du monde. Malgré tout ça, il est hors de question pour lui d’y retourner afin de participer à sa reconstruction. 

Ce n’est donc pas un manque empathie, plus une présence de fatalisme. Il porte la terre de ses ancêtres dans son cœur mais préfère lui souhaiter bonne chance à distance.
Malheureusement, la technique loin des yeux près du cœur ça marche peut-être en amour mais pas quand il est question de changement social. 

Autant, le nombre de partages et de hashtags sur les réseaux sociaux n’aboutiront jamais à une véritable révolution. Autant, on ne peut téléguider la relève à des Kilomètres. 

La question est lancée ; comment pourra-t-on changer ce pays si on ne retourne pas au  Congo ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Kalala, un nom qui lui allait si bien