Lundi, en fin de journée j’effectuais une course sur la rue
Sainte-Catherine dans le centre-ville de Montréal. J’ai soudainement croisé un
de mes vieux comme on dit dans le jargonafricain. Un vieux c’est un ancien,
quelqu’un d’assez âgé pour être votre grand-frère mais trop jeune pour être
votre père.
Pour la circonstance, on l’appellera Moyi. Je connais Moyi
depuis 20 ans maintenant. On se croise toujours par hasard environ 4 à 5 fois
par année. Moyi est dans le début de la quarantaine, élevé en R.D.C, il vit au
Québec depuis 2 décennies mais fait souvent la navette entre Montréal et
Kinshasa. À chaque occasion, on s’arrête quelques minutes et discutent de tout
& rien. Lundi, par contre, la conversation était un peu plus intense.
Après les salutations d’usages, Moyi me demande ; « Alors
Guy-Serge, je sais que tu es dans les affaires, ta pensé à faire du business au
Congo ?
Moi : Oui, oui, J’y ai pensé ! Même que j’ai réfléchi
à carrément y retourner vivre.
Moyi : Eeeeehhhh (il enlève aussi ses lunettes de soleil)
! Petit-frère, ne retourne pas au Congo !! Vas-y quelques mois à la limite pour
implanter une entreprise mais oubli l’option d’y construire ta vie.
Moi : Mais, pourquoi ? C’est mon pays non ?
Moyi : Mon petit, c’était
ton pays. Tu as fait trop de temps ici. Le Congo tu ne le reconnaitras pas
et vice-versa. Tu vas avoir beaucoup de problèmes avec les gens, même ceux de
ta propre famille. Ils vont tous te prendre pour un pourvoyeur. On fera la file
devant chez toi pour te demander de l’argent.
Moi : Mais Moyi, si j’ai de l’argent je ne vais pas
juste le donner tout bonnement. Je vais créer des opportunités pour qu’ils
puissent en profiter. Dans le cas où je n’en n’ai pas, et bien, je leur dirai
que je n’ai rien.
Moyi : Si tu leur donne l’opportunité ce n’est pas
sure qu’ils vont la saisir. Si tudis que tu n’en pas, ils ne te croiront pas. Tu
vas alors t’attirer de la haine et ils monteront toutes sortes d’histoires
contre toi.
Moi : Moyi tu exagères.
Moyi : Au contraire, il y a des histoires plus pires
que ça. Je te dis, oubli ça, tu ne pourras pas t’adapter.
Moi : Mais nos parents qui ont immigrés ici dans un
pays complètement inconnu loin de leur Congo natal. Ils se sont bien adaptés
eux, alors comment moi qui vient de là je serai totalement dépaysé ?
Moyi : Nos parents n’avaient pas le choix. Ils étaient
sous la contrainte. Toi, que tu le veuilles ou non, tu auras le choix. Quand se
sera trop dure, quand tu en auras vraiment marre, tu vas plier bagages et
revenir ici.
Notre conversation a été interrompue faute de temps, mais
je suis parti songeur. Moyi représente bien le phénomène que l’on appelle diaspora. Il aime son pays d’origine, y
pense tout le temps, comprend très bien les enjeux et la misère dans laquelle
est placé ce coin du monde. Malgré tout ça, il est hors de question pour lui d’y
retourner afin de participer à sa reconstruction.
Ce n’est donc pas un manque empathie, plus une présence de
fatalisme. Il porte la terre de ses ancêtres dans son cœur mais préfère lui
souhaiter bonne chance à distance.
Malheureusement, la technique loin des yeux près du cœur ça marche peut-être en amour mais pas
quand il est question de changement social.
Autant, le nombre de partages et de hashtags sur les réseaux sociaux n’aboutiront jamais à une
véritable révolution. Autant, on ne peut téléguider la relève à des
Kilomètres.
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