lundi 3 mai 2021

L’origine Kongo du tango


Vous avez sûrement déjà entendu parler du tango, cette danse à deux ou quatre temps, improvisée ou chorégraphiée, selon les tendances.

 La littérature dominante nous dit qu’elle est née en Argentine vers 1880 dans les quartiers chauds de Buenos Aires. La danse a pris une    « cure de noblesse » au début du 20e siècle en étant acceptée par la classe bourgeoise argentine et après un passage dans les adresses huppées de Paris.

Le tango, nous disent donc plusieurs spécialistes de la question, est un enfant argentin tirant légèrement son influence, du moins sa structure rythmique, de la habanera de Cuba.

Le hic est que le mot tango n’existe pas dans le lexique espagnol.

Pour pallier ce vide, un débat étymologique assez amusant a pris forme. Dans ce palabre, la surenchère des hypothèses étonne. En effet, une liste d’auteurs, d’historiens, de musicologues avance des affirmations assez insolites. Il y a les plus créatifs pour qui le tango viendrait d’un vocable japonais, car il serait l’homonyme d’une ville, une région et une fête nationale au pays du Soleil-levant.

Il y a les nostalgiques qui veulent, mordicus, ressusciter le latin en soutenant que tango viendrait de cette langue morte où le verbe tangere signifie toucher, et dont tango voudrait littéralement dire : je touche.

Mais la palme revient sans équivoque aux plus aventuriers, selon eux, tango viendrait de Tang-Ho, une région d’Indochine d’où auraient fuient les Tsiganes et autres peuples nomades pour immigrer en Europe après avoir été chassé de l’Inde par les invasions turques et mongoles…

Curieusement, ces auteurs ne questionnent pas les langues africaines. Et pourtant, déjà au début du 19e siècle à Buenos Aires, on appelait tango les maisons où les noirs organisaient leurs fêtes.

La vérité est que tango vient du kikongo. En effet, en kikongo et en lingala, tango signifie le temps. Tango s’écrit aussi ntango et ntangu et dans la plupart des langues congolaises le o & u sont interchangeables pour la majorité des mots.

Plus que le simple mot, la danse même vient du patrimoine culturel Kongo.

En effet, tout commence en 1719, cette année-là 450 Africains sont traînés de force en Louisiane pour y subir l’esclavage. Néanmoins, les autorités décrètent le dimanche comme un jour férié pour ces esclaves. Pour profiter de leur congé, ils vont dans un espace pour chanter et danser.

Cet espace sera plus tard baptisé comme étant le fameux Congo Square de La Nouvelle-Orléans (la Place Congo).

Place Congo, parce que la majorité des esclaves viennent du Royaume Kongo, même s’il y a aussi des Wolofs, des Bambaras, des Fulanis, d’autres peuples non archivés, et plus tard, des Haïtiens. Mais, Congo aussi parce que tous les esclaves étaient appelés kongos dans un processus raciste de stéréotypisation.

C’est dans cette Place Congo que ces hommes et femmes noirs se mettent à pratiquer plusieurs danses amenées de leur terre mère. La culture Kongolaise s’impose vu qu’elle était celle de la majorité. C’est donc à cette période, dans ce petit carré, que l’on répertorie pour la première fois la danse du tango en occident.

C’était un jour de 1786, un évêque du nom de Cyrillo de Barcelona formule une plainte au sujet des noirs qui dansent sur la Place Congo à l’heure de son culte. En réponse à cette protestation, le gouverneur, un certain Esteban Miró confirme qu’il va interdire « los tangos, o bailes de negros » (les tangos ou danses des noirs).

L’empire espagnol qui détient les territoires de l’Argentine et de Cuba à cette époque va aussi être propriétaire de la Louisiane de 1766 à 1800, soit à la même période du développement de la Place Congo.

À la fin du 18e siècle, plusieurs colons quittent Saint-Domingue (ancienne Haïti) pour échapper à la révolution qui mènera à l’indépendance d’Haïti. Dans cette fuite, ces colons partent avec leurs esclaves pour s’installer à Cuba. C’est à Cuba que ces esclaves venant de Saint-Domingue produisent des tangos. Les Cubains de l’époque apprécient tellement la danse qu’il se l’approprie et la nomme habanera, qui signifie, « de La Havane ».

C’est cette habanera ensuite transportée à Buenos Aires et la présence des Africains venant de Cuba qui est à la source de que l’on appelle aujourd’hui, le « tango argentin ».

C’est aussi grâce à la présence de la danse à Saint-Domingue et à Cuba que l’on sait que le tango était connu de tous les kongos, et n’a donc pas été inventé qu’une fois en esclavage en Louisiane.

Ce qui est encore plus surprenant est que ces esclaves sont les parents de la tangothérapie. En effet, de récentes études en psychanalyses prouvent les potentialités psychothérapeutiques du tango.

De là où il est, l’évêque Cyrillo de Barcelona sait maintenant pourquoi ces hommes et femmes africains dansaient le tango sur la Place Congo au lieu d’assister à sa messe…

 

 

Mayamba Wa Luboya

 

Sources :

Congo Square, racines africaines de La Nouvelle-Orléans

Paris, Buenos Aires : un siècle de tango

Tango dico : Dictionnaire voyageur et initiatique du tango

Tango argentin et psychanalyse

 

Voir aussi :

Le documentaire tango negro du réalisateur angolais Dom Pedro

jeudi 18 février 2021

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