jeudi 30 juin 2022

Donner aux Congolais leurs fleurs


500 ans de résistance

Il y a exactement 516 ans avait lieu une des luttes fratricides les plus célèbres de l’histoire du Congo. Ce jour-là de 1506 à Mbanza Kongo, capitale du Royaume Kongo, s’entredéchiraient les frères Nzinga Mbemba et Mpanzu a Nzinga pour le poste de Mani a Kongo laissé vacant par le décès de leur père. Ce dernier, le chef Nzinga Nkuwu, avait flirté avec le christianisme apporté par les Portugais à la fin du 15e siècle, avant de s’en détacher, de retourner aux traditions Kongos et de demander aux missionnaires de rentrer gentiment chez eux.

Jusque-là, la relation entre les deux états était cordiale avec une immigration assez active des deux côtés. Pérégrination qui a laissé des traces indélébiles dans la linguistique. En effet, jusqu’à aujourd’hui dans les langues congolaises dont le kikongo et le lingala, l’on désigne l’occident par "poto" (et/ou mputu) : diminutif de Portugal et déformation de porto, car la lettre r n’existe pas dans l’alphabet de ces peuples.

Mais, la rétractation du Patriarche Nzinga Nkuwu sur la religion chrétienne et ses missionnaires était trop peu trop tard pour son fils Nzinga Mbemba : il eut un choc esthétique en lisant les écritures, en plus d’être séduit par la langue portugaise et de l’adopter. Mbemba était sans nul doute le néophyte le plus zélé de ce début de 16e siècle en terre africaine. Quant au fils Mpanzu, il était demeuré très ancré dans les traditions ancestrales.

Il y avait donc deux visions du monde qui s’opposait. Ce qui devait arriver arriva : un conflit sanglant entre les deux frères pour la prise du fauteuil. Appuyé par la puissance de feu du Portugal, Mbemba remporta la bataille sur son frère Mpanzu, et dirigea le Royaume durant une trentaine d’années. Il ne le savait pas à l’époque, mais il devenait l’ancêtre de Mobutu : il était le premier d’une longue lignée de dirigeants congolais qui ne jureraient que pour et par l’appui d’une grande puissance occidentale pour accéder au pouvoir.

Le règne de Mbemba fut catastrophique, fortement marqué par des kidnappings de jeunes et moins jeunes Kongos amenés par bateau comme de la marchandise pour servir d’esclaves majoritairement au Portugal et au Brésil.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, cette agression à elle seule aurait pu vider le royaume Kongo ou faire de lui le tapis du monde, mais c’était mal connaitre les ancêtres des Congolais…

Un siècle plus tard, en 1665, les agresseurs se sont multipliés et diversifiés. La guerre éclate et l’armée est redynamisée pour combattre les envahisseurs. Malheureusement, elle perd le combat, et la tête du Mani a Kongo est coupée et trainée dans la ville pour traumatiser le peuple et démoraliser les combattants.

Mais, découragement n’est pas congolais : le début du 18e siècle voit l’émergence de Kimpa Vita, une jeune révolutionnaire mystique. Elle redonne du courage au peuple pour se libérer par l’autodétermination et la confiance en soi. Kimpa Vita fit quelque chose de très intéressant sur le plan spirituel : elle associa les traditions ancestrales à la religion chrétienne, confession devenue dominante dans le royaume. Par ce procédé, elle fut en mesure de ratisser large et de contourner le débat religieux. Elle est elle aussi assassinée en 1706.

En novembre 1884, un conglomérat de grandes puissances se réunit en Allemagne pour s’organiser en système autour des terres africaines, les territoires aux embouchures du fleuve Congo sont à l’honneur pour les mauvaises raisons, ce sera le début des travaux de la fameuse conférence de Berlin. Des royaumes sont pris, annexés, et réunis sous les frontières de la RDC que nous connaissons actuellement. Le Congo de Léopold II est né, et sa vocation suprême inavouée est d’être une usine humaine à ciel ouvert pour les pays dits riches et leurs multinationales.

Mais là encore, c’était mal connaitre les Congolais…

En deux temps trois mouvements, les offensives de résistances s’enchaînent les unes après les autres. La Belgique perd énormément d’hommes sur le terrain des affrontements, mais Léopold II reste très flou sur les chiffres pour ne pas provoquer un tollé au parlement belge. Une chose était cependant claire : les Congolais n’allaient pas se laisser faire. Certains peuples comme les Tshokwes vont lutter intensément sur vingt longues années avant d’être obligés de déposer les armes, les yakas (bayaka) se battront pendant dix ans et la guérilla des chefs Kandolo, Yamba-Yamba et Kimpuki durera treize ans.

Lorsqu’arrive finalement l’indépendance le 30 juin 1960, plusieurs voient cela comme un "test de maturation" pour les Congolais. Ces observateurs pensent qu'ils échoueront lamentablement. Encore une fois, les prophètes de malheur seront déboutés. Non seulement les Congolais font preuve d’un vivre ensemble exemplaire, mais en plus, tous ces différents groupes linguistiques acceptent d’utiliser le lingala, langue d’un clan parmi tant d’autres, comme leur lingua franca. Cette position linguistique est plus que louable et peut servir de modèle mondial. Elle contourne ainsi une pratique courante en Afrique où souvent personne ne veut parler la langue de l’autre, alors tout le monde communique dans la langue coloniale, cette dernière faisant office de langue tutélaire plus d’un demi-siècle après les indépendances.

 

Assumer son rôle stratégique

De Frantz Fanon à Che Guevara, tous les grands penseurs de la moitié du 20e siècle qui ont phosphoré sur la question africaine arrivent à la même conclusion : du Congo partira la libération de l’Afrique et la mise en terre de l’impérialisme. Ce n’est pas de la flatterie envers les habitants du Congo, mais une froide analyse géostratégique. Ernesto Guevara était prêt au sacrifice suprême pour le Congo. En 1965, par la frontière tanzanienne, il rejoignit l’est du Congo accompagné d’un petit groupe de 13 Afro-Cubains, pour prêter main-forte aux rebelles lumumbistes avec la ferme volonté d’en découdre une fois pour toutes avec le néo-colonialisme en Afrique.

Le Che n’était pas le seul étranger à avoir rêvé d’un Congo grand et réellement indépendant. Avant lui, des Camerounais, Sénégalais, Ghanéens et autres anonymes ont été des chevilles ouvrières pour arriver aux célébrations du 30 juin 1960.

Les Congolais doivent se rappeler de cela et comprendre que l’aboutissement de l’indépendance du Congo a été une des œuvres panafricaine les plus réussites au monde.

En comprenant ce rôle essentiel de plaque tournante, les Congolais ne doivent pas se renfermer dans un entre-soi, mais laisser un espace pour les vrais amis du Congo.

Le peuple congolais n’a donc pas à s’embarrasser devant sa situation actuelle qui est difficile. Il subit l’une des agressions expansionnistes des plus longues et sanguinaires de l’histoire.

Mais, croire qu’ils vont se laisser faire serait mal connaitre les Congolais…

 

 

Joyeux 62e anniversaire de l’indépendance !

Mayamba Wa Luboya



*Crédit image : 

<a href="https://fr.freepik.com/photos/continent-africain">Continent africain photo créé par Allexxandar - fr.freepik.com</a>

Kalala, un nom qui lui allait si bien