Dans l’après-midi
du samedi 13 juin au 605 Atwater à Montréal, se tenait une projection-échange
autour du film intitulé « Panda Farnana, un Congolais qui dérange ».
Une trentaine d’invités étaient attendus pour l’événement, mais c’est
finalement une dizaine de personnes qui ont répondus à l’appel. Si la quantité
n’était pas au rendez-vous, la qualité, elle, était bel et bien présente. C’est
donc en nombre restreint mais enthouthiaste que nous avons entamés l’activité.
L’objectif de
la rencontre était de découvrir M. Paul Panda Farnana et nous remémorer son œuvre,
lui qui a quitté cette terre des hommes il y a de cela 85 ans. Nous avons
atteint notre but par le visionnement de ce documentaire réalisé par Mme. Françoise
Levie. Cette dernière, dans un élan de générosité, nous a fait don d’une copie DVD pour la présentation. Copie envoyée
depuis la Belgique aux frais de la réalisatrice.
Qui était Paul Panda Farnana ?
Paul Panda
Farnana voit le jour en 1888 au tout nouveau Congo-Belge, trois ans à peine
après que la conférence de Berlin est délimité les frontières actuelles de l’immense
pays de la région des Grands Lacs d’Afrique. Il quitte cependant son Congo
natal à 7 ans, amené en Belgique par Jules Dersheid, dirigeant de magasins à
Boma.
Derscheid
déloge le jeune Panda dans le désir que celui-ci devienne la nounou de son fils
de quelque mois.
Cette version est toutefois contredite par l’écrivain Antoine
Kongolo dans son livre « visages de Paul Panda Farnana », l’homme de
lettres avance que le déménagement de Panda en Belgique est plutôt dû au fait
qu’ « il fit partie d’un groupe d’enfants congolais dont la Belgique entendait
se servir, après les avoir nantis d’une formation idoine, pour enraciner la
civilisation européenne en terre congolaise. »[1] Néanmoins, Derscheid, sa
femme et son fils, décèdent peu après. Arrivé en Belgique le 15 novembre 1895,
le gamin Panda est alors pris en charge par la sœur de Jules Derscheid, Louise.
Louise Derscheid est une fervente humaniste, adepte de la pensée de Tolstoï selon laquelle tous
les hommes sont égaux. C’est dans cette vision qu’elle éduque Panda, en lui
donnant les mêmes opportunités qu’un enfant blanc.
Élève brillant,
il complète un cursus scolaire sans tâches. À 19 ans, il obtient son diplôme
universitaire en agronomie avec la plus haute distinction.
En mai 1909,
agronome depuis 2 ans, il est envoyé au Congo pour y travailler en tant que
fonctionnaire de l’état Belge au ministère des colonies. Son contrat d’instructeur
de botanique est d’une durée de 3 ans accompagné d’un salaire de 3 000 francs
par année.
Son emploi
prend une fin abrupte après 2 ans. Il est relevé de ses fonctions par son
directeur Belge. Ce dernier donne le poste de Panda à un instructeur blanc,
jugeant qu’un noir n’a pas les aptitudes pour être professeur, et qu’il serait
plus adéquat qu’il soit seulement surveillant des travaux pratiques. Panda
prend congé pour protester contre cette injustice.
En 1914, la
grande guerre éclate. M. Farnana est en Belgique et s’engage volontairement
dans l’armée. Il est un des 4 noirs parmi les 300 consentants que compte l’armée
Belge. Après tout juste une semaine de formation, il est envoyé au front. C’est
là qu’il fait la connaissance d’un autre congolais combattant-belge, Albert
Kudjabo.
Les deux hommes
sont faits prisonniers en Allemagne. Dans les geôles allemandes, Panda se lie d’amitié
avec des tirailleurs sénégalais qui combattent pour la France. Étant donné qu’il
est le seul lettré, il devient écrivain
public. Ainsi, il rédige les lettres que ses amis sénégalais envoient à
leurs familles au Sénégal.
L’Union Congolaise
1919, la guerre
est terminée et les prisonniers sont libérés. Les combattants congolais retrouvent
la liberté. MM. Farnana, Kudjabo, un ex-combattant du nom de Joseph Adipanga,
et d’autres compatriotes mettent sur pied l’Union Congolaise. L’Union
Congolaise est une association d’ex-combattants et civils originaires du Congo
vivants en Belgique.
Influencé par
W.E.B Dubois et les organisations afro-américaines pour l’émancipation des
noirs, la nouvelle organisation a pour mission d’organiser le développement éthique
et psychique du congolais.
De ce pas, en
tant que secrétaire générale du jeune organisme, Panda Farnana est invité à
prendre la parole au premier congrès colonial national au sénat Belge en 1920.
Un an plus
tard, l’Union Congolaise, à travers son représentant Panda, intervient dans l’affaire
Simon Kimbangu. Le religieux est accusé de sédition et condamné à la prison à
perpétuité. Panda Farnana insiste en vain auprès de l’administration coloniale
pour que la peine infligée à Kimbangu soit revue.
En 1929 l’Union
Congolaise poursuit ses activités pendant que Panda Farnana retourne au Congo. De
nouveau dans son pays, il y construit une école dans son village natal.
Il meurt un an
plus tard, à 42 ans, dans une situation mystérieuse. La légende veut qu’il ait
été empoisonné, tantôt par un cousin, tantôt par l’administration de la colonie.
Devoir de mémoire
L’échange qui a
suivi la projection était plein d’émotion. Les questions et commentaires des
uns et autres étaient différentes sauf une ; comment se fait-il qu’au Congo on
ne parle pas d’avantage de ce monsieur ? Car, normalement, c’est à l’état de remplir
son devoir de mémoire, cette notion
qui voudrait que le gouvernement rappelle au peuple les injustices qu’ont
subies leurs compatriotes. En attendant qu’il prenne ses responsabilités, nous
étions une dizaine à faire notre devoir.
Guy-Serge Luboya
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