lundi 15 juin 2015

Panda Farnana : Quand regarder un film devient un devoir de mémoire

Dans l’après-midi du samedi 13 juin au 605 Atwater à Montréal, se tenait une projection-échange autour du film intitulé « Panda Farnana, un Congolais qui dérange ». Une trentaine d’invités étaient attendus pour l’événement, mais c’est finalement une dizaine de personnes qui ont répondus à l’appel. Si la quantité n’était pas au rendez-vous, la qualité, elle, était bel et bien présente. C’est donc en nombre restreint mais enthouthiaste que nous avons entamés l’activité.

L’objectif de la rencontre était de découvrir M. Paul Panda Farnana et nous remémorer son œuvre, lui qui a quitté cette terre des hommes il y a de cela 85 ans. Nous avons atteint notre but par le visionnement de ce documentaire réalisé par Mme. Françoise Levie. Cette dernière, dans un élan de générosité, nous a fait don d’une copie DVD pour la présentation. Copie envoyée depuis la Belgique aux frais de la réalisatrice.

Qui était Paul Panda Farnana ?

Paul Panda Farnana voit le jour en 1888 au tout nouveau Congo-Belge, trois ans à peine après que la conférence de Berlin est délimité les frontières actuelles de l’immense pays de la région des Grands Lacs d’Afrique. Il quitte cependant son Congo natal à 7 ans, amené en Belgique par Jules Dersheid, dirigeant de magasins à Boma.
Derscheid déloge le jeune Panda dans le désir que celui-ci devienne la nounou de son fils de quelque mois. 

Cette version est toutefois contredite par l’écrivain Antoine Kongolo dans son livre « visages de Paul Panda Farnana », l’homme de lettres avance que le déménagement de Panda en Belgique est plutôt dû au fait qu’ « il fit partie d’un groupe d’enfants congolais dont la Belgique entendait se servir, après les avoir nantis d’une formation idoine, pour enraciner la civilisation européenne en terre congolaise. »[1] Néanmoins, Derscheid, sa femme et son fils, décèdent peu après. Arrivé en Belgique le 15 novembre 1895, le gamin Panda est alors pris en charge par la sœur de Jules Derscheid, Louise.

Louise Derscheid est une fervente humaniste, adepte de la pensée de Tolstoï selon laquelle tous les hommes sont égaux. C’est dans cette vision qu’elle éduque Panda, en lui donnant les mêmes opportunités qu’un enfant blanc.

Élève brillant, il complète un cursus scolaire sans tâches. À 19 ans, il obtient son diplôme universitaire en agronomie avec la plus haute distinction.

En mai 1909, agronome depuis 2 ans, il est envoyé au Congo pour y travailler en tant que fonctionnaire de l’état Belge au ministère des colonies. Son contrat d’instructeur de botanique est d’une durée de 3 ans accompagné d’un salaire de 3 000 francs par année.

Son emploi prend une fin abrupte après 2 ans. Il est relevé de ses fonctions par son directeur Belge. Ce dernier donne le poste de Panda à un instructeur blanc, jugeant qu’un noir n’a pas les aptitudes pour être professeur, et qu’il serait plus adéquat qu’il soit seulement surveillant des travaux pratiques. Panda prend congé pour protester contre cette injustice.

En 1914, la grande guerre éclate. M. Farnana est en Belgique et s’engage volontairement dans l’armée. Il est un des 4 noirs parmi les 300 consentants que compte l’armée Belge. Après tout juste une semaine de formation, il est envoyé au front. C’est là qu’il fait la connaissance d’un autre congolais combattant-belge, Albert Kudjabo.

Les deux hommes sont faits prisonniers en Allemagne. Dans les geôles allemandes, Panda se lie d’amitié avec des tirailleurs sénégalais qui combattent pour la France. Étant donné qu’il est le seul lettré, il devient écrivain public. Ainsi, il rédige les lettres que ses amis sénégalais envoient à leurs familles au Sénégal.

L’Union Congolaise

1919, la guerre est terminée et les prisonniers sont libérés. Les combattants congolais retrouvent la liberté. MM. Farnana, Kudjabo, un ex-combattant du nom de Joseph Adipanga, et d’autres compatriotes mettent sur pied l’Union Congolaise. L’Union Congolaise est une association d’ex-combattants et civils originaires du Congo vivants en Belgique.

Influencé par W.E.B Dubois et les organisations afro-américaines pour l’émancipation des noirs, la nouvelle organisation a pour mission d’organiser le développement éthique et psychique du congolais.

De ce pas, en tant que secrétaire générale du jeune organisme, Panda Farnana est invité à prendre la parole au premier congrès colonial national au sénat Belge en 1920.

Un an plus tard, l’Union Congolaise, à travers son représentant Panda, intervient dans l’affaire Simon Kimbangu. Le religieux est accusé de sédition et condamné à la prison à perpétuité. Panda Farnana insiste en vain auprès de l’administration coloniale pour que la peine infligée à Kimbangu soit revue.

En 1929 l’Union Congolaise poursuit ses activités pendant que Panda Farnana retourne au Congo. De nouveau dans son pays, il y construit une école dans son village natal.

Il meurt un an plus tard, à 42 ans, dans une situation mystérieuse. La légende veut qu’il ait été empoisonné, tantôt par un cousin, tantôt par l’administration de la colonie.

Devoir de mémoire

L’échange qui a suivi la projection était plein d’émotion. Les questions et commentaires des uns et autres étaient différentes sauf une ; comment se fait-il qu’au Congo on ne parle pas d’avantage de ce monsieur ? Car, normalement, c’est à l’état de remplir son devoir de mémoire, cette notion qui voudrait que le gouvernement rappelle au peuple les injustices qu’ont subies leurs compatriotes. En attendant qu’il prenne ses responsabilités, nous étions une dizaine à faire notre devoir.

Guy-Serge Luboya



[1] Antoine Tshitungu Kongolo, Visages de Paul Panda Farnana, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 21.






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