mercredi 4 novembre 2015

Dr. Denis Mukwege ou le millionnaire de la « richesse être »

Dr. Denis Mukwege

L’organisation capitaliste dans laquelle la plupart de nos sociétés évoluent est une structure basée sur la « richesse avoir ». En effet, l’ascension sociale passe par l’accumulation de capital. Les détenteurs de  patrimoines plus considérables sont au sommet de la pyramide. Ces individus fortunés ont étés élevés au-dessus de la masse, leurs biens matériels ayants tracé la démarcation entre eux et le citoyen lambda.  

Cette délimitation entre le riche et le commun des mortels est d’autant plus apparente du fait que l’abondance pécuniaire soit tangible. On remarque les millionnaires de l’avoir dans nos collectivités, ils font la une des journaux et roulent aux volants de Porsche et Mercedes.

Le compte en banque est le réservoir de cette moisson. Il met à l’abri les fruits de l’arbre financier dans ce jardin de la possession.

Mais, non loin de cette espace existe un autre monde, un univers diffèrent, celui de la « richesse être ».

Sous ce paradigme, les choses sont beaucoup plus abstraites. Effectivement, quel est l’indicateur qui permet de mesurer l’humanité d’un individu ? Quel est le compte en banque des élites de l’être ? Est-ce le nombre d’amis Facebook ? La sociabilité ? Il serait difficile de répondre à ces questions tant il y a de gentils pas bons et de bons pas gentils.

Toutefois, on finit toujours par reconnaitre la bonté, elle est comme la beauté, claire et sans aucun doute dans les yeux de celui qui la regarde.

Au cours des deux dernières décennies un illustre citoyen de la terre a donné une leçon de savoir-vivre à ses contemporains. Cet honorable se nomme Denis Mukwege. Médecin, mais aussi pasteur, l’homme est allumé d’une passion évidente pour guérir les plaies.

S’il jouit aujourd’hui d’une popularité qui ferait une rock star rougir de jalousie, le docteur a débuté son combat il y a bien longtemps, bien loin des caméras du monde entier. En 1988, alors établi à Angers, il quitte la douce France et son prestigieux poste de gynécologue, pour exercer dans un petit hôpital de Lemera (Sud-Kivu) où il croit que ses services seront plus utiles.

À cette époque, il ne faisait que des accouchements, bien loin de s’imaginer que quelques années plus tard ses patientes se présenterons à l’établissement non pas pour donner naissance mais pour se réparer d’un viol. Mukwege ne se doute pas aussi que Lemera deviendra tristement célèbre pour ces fameux accords de Lemera dans lesquelles Laurent-Désiré Kabila aurait fait d’importantes promesses de concessions à ses accompagnateurs Rwandais et Ougandais. Kabila rejeta ces soupçons d’un revers de la main, qualifiant ces prétendus contrats de «conglomérat d’aventuriers. »  

L’été 1996 marque le début des embrouilles pour Denis Mukwege, c’est à cette période-là qu’il s’oppose à l’armée zaïroise qui lui demande de poser des barrières afin empêcher les « banyamulenge » d’avoir accès à l’hôpital de Lemera où il est devenu Médecin-Chef. Les FAZ suspecte alors les Tustis de «Mulenge » d’êtres de connivence avec les autorités rwandaise qui chercherait à attaquer les camps Hutus au Kivu.

Le refus d’obtempérer de Mukwege créera des tensions entre les autorités militaires et lui.

En octobre de la même année, il faut d’énormes pressions, dont la maladie d’un employé suédois de l’hôpital, pour que Mukwege se décide à quitter Lemera pour Bukavu. Le centre hospitalier est bien malgré lui, sur la route des rebelles qui marchent vers la capitale Kinshasa. Après son départ, l’hôpital de Lemera est passé à feu et à sang, laissant morts patients, infirmières, collaborateurs..tous massacrés par les belligérants.    

Ce n’est pas d’ordinaire le genre d’expérience que devrait vivre un spécialiste de la santé, mais cela fait très longtemps que Denis Mukwege n’est plus qu’un médecin. Il s’improvise organisateur humanitaire quand fin 1996, il mobilise le gouvernement Zaïrois et la communauté internationale pour fournir avions, eau et denrées aux 300 000 Congolais et Rwandais battants le pavé sur une distance de 700 kilomètres, en passant par la forêt, de Bukavu à Kisangani, fuyants les tirs de la première guerre du Congo.  

Autant, il devient un sorte de diplomate des sans voix, allant de tribune en tribune, répétant à qui veut bien l’entendre qu’il y a une éradication des Congolais dans l’Est de la R.D.C. Et c’est particulièrement ce message de génocide planifié, cette manière de dire les choses toutes crues, qui gêne les commanditaires des multiples tentatives d’assassinats sur le Docteur-Pasteur. Ses ennemis aimeraient bien qu’il se contente de faire son travail de médecin.

L’homme qui répare les femmes est un témoin gênant, qui déballe ce qu’il voit et pense sans se soucier de qui il pourrait déranger. Il n’hésite pas à avancer que le viol est une arme de guerre au Congo, que ces hommes en armes venus d’ailleurs qui s’acharnent sur l’appareil génital de la femme Congolaise ont un plan bien précis de dépeupler les autochtones du Kivu pour les remplacer par des allogènes.

Ce côté franc parleur et jusqu’au-boutiste a surpris plus d’un, tant ce trait aventurier ne concorde pas avec l’allure bon père de famille sage et responsable de Mukwege. Cette prise de position vient montrer une autre facette de cette personnalité plurielle, en plus d’être médecin et pasteur, il est un citoyen engagé.

Même si il n’a pas un compte en banque de  sept chiffres, Dr. Denis Mukwege sera toujours riche car il a des valeurs à vendre.
 
Guy-Serge Luboya

2 commentaires:

  1. Article intéressant. La "richesse être" au lieu de la "richesse avoir". Être riche en humanité et personnalité, avoir des valeurs...J'apprécie de voir qu'il y a des gens qui pensent encore comme ça et combattent le bon combat.

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Kalala, un nom qui lui allait si bien